3.3.13

Démarches d'écriture - La situation du projet dans mon cheminement


*Note de l'auteur : ces réflexions datent de 2006, alors soyez indulgents avec ma naïveté de jeune auteur qui veut en mettre devant son prof de séminaire en création.

Dans ma démarche d’auteur
J’ai longtemps pensé que la seule chose encore capable de toucher le lecteur était la violence à l’état pur. Le Contrat, mon premier livre, n’est qu’une suite de meurtres sanglants et bien décrits (c'était mon opinion à l'époque) encadrés par une narration cynique et amère. Par contre, sans lumière pas d’ombre, je croyais que la puissance de ces descriptions n’arrivait pas à toucher le lecteur autant que je le souhaitais parce qu’il n’y avait pas vraiment d’émotion pour donner le contrepoids des meurtres. 

Dans 24 heures, mon second livre, j’ai justement tenté d’approcher l’intimité des personnages, de connaître et d’écrire leurs émotions et leurs sentiments plutôt que simplement décrire leurs pensées et actions. Malgré tout, ce recueil n’était composé que de nouvelles réalistes et ma fibre « science-fiction » vibrait à nouveau. C’était un défi, car les auteurs de science-fiction perdent généralement les sentiments de leurs personnages en décrivant leur monde fictif à tort et à travers. J’ai donc voulu créer un univers parallèle et anticiper une technologie relative au froid tout en conservant des personnages émotionnellement crédibles et cohérents au monde dans lequel ils vivent. C’est un défi que j’espère avoir relevé. Du même coup, les rares scènes macabres n’en sont que mieux senties et se démarquent bien plus que dans mon premier récit.

Les constantes de mon travail d’écriture
Dans mon écriture, on retrouve souvent le thème de la synchronicité. Je ne saurais pas dire si cela dénote une obsession ou une fascination envers le lieu commun voulant que le monde soit petit, mais c’est un thème récurrent dans mes textes. Voici un exemple intéressant : Amélie Bibeau (aujourd'hui auteure de Lili-la-Lune) me disait qu’elle était déçue de ne pas avoir lu tout le monde dans le groupe de lecture où nous avions présenté nos textes et moi, qui était surchargé à ce moment, je lui ai malgré tout proposé d’échanger nos textes pour se les commenter. Je fus surpris par deux choses : Amélie a perdu sa sœur voilà quatre ans et, à ce moment, on lui avait fait comprendre qu’elle devait être forte pour supporter sa famille (j’ai vécu la même chose quand mon père est mort). Plus tard, en fouillant la bibliothèque d'Amélie, j'ai vu qu'elle possédait mon récit Le Contrat. Bizarre comment les choses nous lient.

Les gens que l’on trouve sur notre route n’y sont pas pour rien. J’en suis la preuve, comme tous ceux qui affirment : si je n’avais pas rencontré untel, jamais je n’aurais… Inutile de préciser que, bien évidemment, Camille Deslauriers (La Femme-Boa et Eaux troubles) aura influencé de façon permanente ma manière d’approcher l’écriture ainsi que mon style. Reste donc que je ne suis pas sûr si je suis simplement fasciné par la synchronicité ou si j’en suis obsédé.

Mes influences
Ironiquement, je n’avais pas lu beaucoup de science-fiction récemment, sinon le recueil de Louis-Philippe Hébert qui, peut-être inconsciemment, m’aurait insufflé l’idée du subterfuge. Dans La manufacture de machines, il utilise ce thème pour montrer comment la législation trompe les villageois, tandis que, dans mon recueil, j’exploite ce thème pour montrer comment les personnages ne savent pas – ou ne veulent pas – être eux-mêmes.

À la fin du mois d’août 2006, j’ai lu avec beaucoup de plaisir Do Androids Dream of Electric Sheep ? de Philip K. Dick. Ce roman m’a probablement inspiré le doute auquel je soumets le lecteur quant aux circonstances de la destruction des portes de l’Aquilon, à l’existence de la locataire inconnue ainsi qu’aux aptitudes fantastiques – au sens où l’entend Todorov – de l’agoraphobe (voir la nouvelle inédite) et de la petite Summer. Dick travaille beaucoup la notion du simulacre et de la difficile dichotomie entre la réalité (parfois onirique) et le rêve (souvent réaliste).

L’omniprésence du kitsch dans mon recueil ne peut s’expliquer que par le goût que j’entretiens moi-même avec cet art de consommation. En fouillant chez quelqu’un, on trouve forcément un objet kitsch, une figure ternie du passé ou d’un faux futur que le propriétaire ne jette jamais sans pour autant l’exhiber sur la table à dîner. Des grenouilles ou des poissons dans la salle de bain, un film de Walt Disney, un bibelot de chat ou une paire de pantoufles en phentex sont autant d’éléments qu’on retrouve dans toutes les demeures. Je suppose que c’est également dans l’espoir de rendre les personnages plus humains que je les ai dotés d’objets kitschs.

Un dernier élément, plus lointain, qui m’a clairement influencé pour l’écriture de ce recueil, c’est la crise du verglas de 1998. Je n’avais tout simplement pas réfléchi à son importance dans mon écriture, mais je l'ai comprise quand est venu le temps de réfléchir à mon écriture. Quand le verglas a frappé, je vivais à Drummondville et, heureusement, nous chauffions au bois. Je n’aurais donc jamais gelé si j’avais suivi les idées conformistes de certaines personnes. Mais j’étais ce que je suis encore et je ne voulais pas m’enfermer alors qu’à l’extérieur le monde était bouleversé. 

Je me suis donc engagé comme bénévole dans un centre communautaire d’aide aux sinistrés aménagé dans un centre récréatif. L’électricité était alimentée par de gigantesques génératrices au diesel, les gens pouvaient prendre une douche froide (on l’aurait voulu tiède, mais peine perdue), manger des repas préparés par des bénévoles qui se limitaient à une mixture louche de patates en poudre, de viandes déshydratées et de café jaune à force d’être dilué. Pendant deux semaines et demie, j’ai fréquenté six cents personnes plus intéressantes les unes que les autres desquelles j’ai appris beaucoup plus que si j’étais allé à l’école. C’est également là que, pour la première et dernière fois, j’ai bu du café – j’étais surveillant de nuit entre dix heures et sept heures, je déjeunais et je me couchais jusqu’au dîner. Je pourrais écrire encore quelques pages à ce sujet, mais je crois que l’influence du verglas sur mon recueil est amplement illustrée ainsi.

Mon rapport à l’écriture
Je pense que je vis mon écriture à la manière de mon existence. J’accorde, malgré une attitude désinvolte, une très grande importance à l’écriture comme à la vie. Un respect, aussi. Je vis un jour à la fois comme j’écris chaque fois que j’en ressens le besoin, même si je risque de perdre un contrat. Pas au point de démolir un couple, par contre. À ce sujet, Bernard Werber écrit de huit heures à midi chaque jour depuis qu’il a seize ans. C’est une règle qu’il s’est imposée et qu’il a toujours fait ajouter dans les contrats qu’il a signés. Quand il a rencontré sa femme, cette loi faisait partie intégrante de leur contrat de mariage. Ce que je veux dire, c’est qu’un conjoint compréhensif est aussi important que le talent quand on veut écrire. Quelquefois, j’intériorise trop mon écriture et il devient impossible d’avoir une discussion cohérente avec moi. D’autres fois, je peux parler pendant deux heures de l’idée d’une ombre d’un projet. Si ma blonde n’était pas aussi compréhensive, jamais elle ne m’aurait toléré.

Comme dans mon écriture, je constate de temps à temps que j’ai pris de la maturité sur tel ou tel point, que je m’améliore mais qu’il me reste encore des tonnes de choses à apprendre pour être une meilleure personne et un meilleur auteur. Les gens qui m’entourent prennent souvent le temps de le souligner eux-mêmes, à ma grande joie. Pour résumer mon rapport à l’écriture en une phrase, je dirais qu’une dépendance indéniable lie ma vie à l’écriture.

7.3.11

Démarches d'écriture - Le projet de recueil (2/2)

Voici la deuxième partie concernant la description du projet de recueil qu'était L'Aquilon. Ici, je m'attarde au recueil et à sa structure.

Le recueil

À l'époque, je travaillais toujours mes recueils de la même façon : je passais au crible un microcosme donné. Mon objectif était de prendre toutes les personnes reliées à une chose et de raconter leur histoire l'une après l’autre. Dans ce sens, mon recueil s’approche beaucoup plus du roman par nouvelle que du recueil ensemble. J’aime l’idée qu’on puisse lire une nouvelle, avec un incipit et une chute, dont le personnage et l’univers de celui-ci prendront des forces grâce à une seconde nouvelle, puis à une troisième, et ainsi de suite. Ma formation en programmation informatique est perceptible dans cette caractéristique de mon écriture : la formation d’hyperliens, d’interliens et de références font de L'Aquilon un genre de page web sans les mots soulignés et phosphorescents.

J’ai choisi la science-fiction sans vraiment y réfléchir. Au moment d'écrire L'Aquilon, mon écriture se résumait à un récit de science-fiction (Le Contrat) et à un recueil de nouvelles réalistes (24 heures) ainsi qu’à quelques contes mythologiques, nouvelles réalistes et de science-fiction. Dans le cas de ce projet, j’ai voulu mettre de la science-fiction dans une histoire qui aurait bien pu se passer en Alaska. Cela m’a permis de mettre en place des objets technologiques modifiés pour les grands froids qui n’existent toujours pas dans les pays nordiques et qui viennent donner plus de profondeur et de texture aux personnages (selon la notion « espace-personnage »).

J’apprécie beaucoup la science-fiction douce ("soft SF") et je crois en écrire pour permettre à ceux qui ne sont pas des fanatiques invétérés de SF pure et dure d’en lire aussi. Mes textes sont très loin de Star Wars ou Star Trek et font réfèrence à un futur proche. Assez, du moins, pour que l’on reconnaisse notre monde et les comportements des personnages qui y évoluent. Christiane Lahaie, amie et enseignante à l'Université de Sherbrooke, m’expliquait à ce sujet que j’écrivais plutôt de la « littérature d’anticipation » car, plutôt que d’axer sur la technologie du futur, je m’inquiétais de la société du futur. J’accepte la dénomination avec plaisir. Le terme lui-même me semble plus accessible.

Au fond, j’écris ce que j’aime lire, tout simplement. En parlant avec Patrick Senécal, je lui ai justement demandé s’il préférait la reconnaissance des pairs à celle du public. Il a commencé par me dire qu’il aimait mieux se faire reconnaître dans un café que de se faire parler en long et en large de son livre par un littérateur. Le plus important, avait-il souligné, c’est d’écrire ce qu’on aime lire. La passion se transfère au papier et le lecteur sentira celle-ci dans ce qu’il lira. C’était voilà huit ans. Je respecte toujours fidèlement cette pensée et la conseille fortement à tous.

La structure

Pour ce qui est de la structure de mon recueil, j’ai enfin respecté la chronologie et j’ai écrit mes textes en sachant que je la respecterais. Avant cela, je m'amusais à inverser l'ordre des événements (comme peuvent en témoigner ceux qui ont lu Le Contrat ou 24 heures). Par le montage en casse-tête, je voulais rendre l’effet du trouble dont les personnages souffraient, mais j’ai bien vite réalisé que mon fameux montage antichronologique ne faisait que troubler la lecture. Afin de garder l’effet, mais de permettre une lecture cohérente, je n’ai simplement pas respecté l’ordre des chambres. Ainsi, je recrée le hasard qu’on associe souvent à la synchronicité.

La structure de mon recueil aurait voulu que je présente uniquement les personnages vivant dans les douze chambres en autant de nouvelles, mais j’en ai ajouté une. Celle-ci est la première du recueil et sert de prologue aux textes à suivre. C’est dans cette nouvelle que le lecteur découvre l’Aquilon ainsi que la petite fille qui reliera les personnages entre eux.

C'est tout pour aujourd'hui. Dans le prochain billet, je situerai L'Aquilon dans ma démarche d'auteur.

Bonne journée,

Carl

3.1.11

Démarches d'écriture - Le projet du recueil (1/2)

Voici donc, bande de chanceux, la suite de mes démarches d'écriture concernant L'Aquilon. Aujourd'hui, résumé du recueil et objectifs d'écriture.

En résumé

Un jour, l’hiver est venu sans repartir. Un hiver perpétuel ponctué de crises de verglas. Dans une ville du Québec, on retrouve l’Aquilon, un bloc appartement composé uniquement de studios. Cet immeuble à logements nous intéresse plus qu’un autre parce que les portes de celui-ci, qui protégeaient le corridor principal du vent polaire, ont été défoncées. Maintenant, le froid entre dans l’immeuble et sous la porte de chacun des locataires. Avec le vent, le lecteur découvre ces personnages qui, au fond, avaient déjà froid avant que le vent n’entre chez eux.

Mes nouvelles étant assez courtes, les résumer reviendrait à en dévoiler le contenu. Je peux par contre présenter les habitants de l’Aquilon sans craindre de dévoiler leurs secrets. Dans l’immeuble vit un grand homme musclé et roux qui n’a pas confiance en lui à cause des déceptions passées qu’il met sur le compte de sa pigmentation. On y trouve aussi un toxicomane qui vit aux frais de ses parents, mais qui oublie rapidement ce détail grâce à la drogue ainsi qu’à son ordinateur. Il y a également un jeune adulte, mi-vingtaine, entretenu par le gouvernement, qui passe ses nuits à enseigner aux bonshommes de neige. On retrouve une psychologue bénévole, un professeur de philosophie qui a la conscience lourde et un fonctionnaire coupé de ses émotions qui sera confronté à celles-ci. Il y a bien sûr un concierge, préoccupé par la paperasse des assurances, qui doit régler le problème des portes défoncées ainsi que les complications qui en découlent. Y vit aussi une journaliste et anthropologue qui souhaite étudier en profondeur tous les aspects de la vie des Néo-Québécois, une locataire que personne n’a jamais vue, un cuisinier « spécial », un père et sa petite fille autiste ainsi qu’un médecin qui accepte facilement la fatalité.

Objectifs et concepts

Mes objectifs d’écritures étaient assez simples. Je voulais raconter la vie d’une société gelée. L’important, c’était de faire ressentir ce froid au lecteur. J’ai donc utilisé des phrases courtes (je souligne d’ailleurs que les discussions hivernales sont souvent tronquées parce que les émetteurs sont gelés) et des métaphores glaciaires dans tous mes textes.
Je désirais également exposer la synchronicité qui régit notre monde en balayant systématiquement un bloc appartement. Pour bien l’illustrer, j’ai imposé des leitmotivs précis dans la description des personnages : le café comme unique source de réconfort, l’élément kitsch (symbole d’une certaine solitude) et la petite Summer.

Le froid métaphorique qui envahit les personnages, leurs idées et leurs comportements est un des concepts qui sous-tendent mon recueil. J’ai voulu que le lecteur expérimente toutes les facettes du froid. Ainsi, la fermeture d’esprit, les opinions froides et tranchantes, la morosité et la solitude en sont des exemples négatifs. Mais le froid permanent apporte aussi son contraire : on ne voit les étoiles que la nuit. On trouve donc des personnages reconnaissant leurs émotions, qui aident leurs concitoyens et qui réussissent à voir la beauté du monde malgré sa laideur hivernale.

Le second concept qui se retrouve dans mon recueil est celui du subterfuge, de la fausseté en général. Je base cette idée sur l’image de l’hiver. Sur une carte de Noël, par exemple, l'hiver semble si beau que nous oublions presque les centaines de personnes qui meurent chaque année dans les accidents de la route causés par une chaussée glacée. Le matin de la première neige, pendant une petite minute, nous oublions que, pendant cinq mois, il faudra déneiger la voiture ou attendre, dans le vent glacial, l’autobus en retard, il faudra se moucher, prendre du sirop pour la toux et voir nos belles bottes noires tachées par le calcium. Dans mon recueil, ce ne sont pas ces détails que j’amène, mais d’autres, plus bizarres. Par exemple, l’omniprésence des bonshommes de neige, qui ne sont, en fait, que de pâles copies d’êtres humains. Les éléments synthétiques, qui reviennent sous différentes formes, mais principalement par la nourriture, représentent également l’aspect factice du monde dans lequel vivent les personnages. Le port du vêtement en tout temps modifie également les relations interpersonnelles : combien de fois avons-nous confondu quelqu’un dans la rue à cause de son manteau d’hiver ? Mais le subterfuge est surtout représenté, dans mon recueil, sous la forme du mensonge. Par des personnages qui mentent ou à qui l’on ment.

À suivre. Prochain billet : le recueil et sa structure.

19.12.10

Démarches d'écriture - Introduction

J'ai créé ce blogue afin qu'il serve de supplément à L'Aquilon. Suivant ce concept, tel un réalisateur commentant son film, je vais vous faire part ici des démarches entourant la rédaction de mon premier jet en 2006. À l'époque, dans le cadre d'un travail de réflexion, je devais expliquer, intellectualiser, mes démarches d'écriture et en faire un compte rendu. Je ne prendrai pas le temps de reformuler tous les extraits, alors pardonnez-moi la naïveté de certains passage ou de certaines réflexions...

INTRODUCTION : Quand il fait toujours froid

Quand j’écris, mes doigts et mes orteils sont rapidement envahis d’un froid glacial et anormal. Que je sois assis près d’un foyer ou dans un solarium en plein été, un engourdissement hypothermique fige mes extrémités comme lorsque l’hiver, enfant, j’attendais que vêtements soient trempés avant de rentrer à la maison. En 2005, dans le cadre d'un cours sur les formes narratives brèves, j’ai écrit deux nouvelles de science-fiction dans lesquelles le verglas de 1998 ne s’était pas arrêté. Durant l'été 2006, l’écriture d’un roman médiéval et la publication de mon recueil de nouvelles 24 heures ont pris tout mon temps et l’idée d’un recueil de nouvelles tournant autour d’un hiver perpétuel m’est sortie de l’esprit. En septembre, pour un autre cours de création, j’ai eu recours à l’une de ces nouvelles parce que le temps m’avait manqué pour en composer une. Les commentaires de deux lectrices m’ont ragaillardi et m’ont inspiré le goût de continuer l’aventure des habitants du verglas. Le thème pour mon recueil final s’est alors présenté de lui-même : écrire cet hiver éternel, décrire les gens qui y vivent.

Un titre
Pour la première fois depuis que j’écris, je ne connaissais pas le titre de mon recueil avant de l’avoir terminé. Ce n’est qu’à la fin de mon premier jet que je m’y suis penché : treize personnages qui ont froid et qui vivent dans un immeuble qui se nomme l’Aquilon. Le vent du nord, Borée chez les Grecs, s’avérait être le titre parfait pour mon recueil, mais j’ai préféré Aquilon (version latine) à Borée parce que l’association mythologique me semblait trop simple avec le second nom. Le titre du recueil était donc évident. Après mûres réflexions et conseils de lecteurs, j’ai décidé d’ajouter un sous-titre à mon recueil : Uchronie glaciaire (très tôt dans le processus d'édition, ce sous-titre est disparu). En précisant « uchronie », je signifiais au lecteur-connaisseur que mon recueil en était un de science-fiction. L’uchronie signifie que l’auteur retourne dans le passé, y change un événement, et revient ensuite généralement à notre époque pour nous montrer la différence entre ce monde et le nôtre. Le classique, expérimenté par Philip K Dick, fut de raconter une histoire hypothétique suivant la Seconde Guerre mondiale si elle avait été gagnée par les Allemands. Dans ce sens, je procédais à une uchronie dans mon recueil, car je prenais, sans le spécifier réellement, en considération que le verglas de 1998 ne s’était jamais terminé. Par l’adjectif « glaciaire », je référais aux multiples glaciations ayant touché la Terre à différents moments de son évolution.

Je crois qu’il est temps de commencer ma réflexion en tant que telle. Je décrirai d’abord mon projet de recueil en précisant mes objectifs d’écriture, les concepts que j’y développe ainsi que les raisons de sa structure. Ensuite, je situerai le projet dans ma démarche d’auteur par rapport à ce que j’ai écrit avant. Plus personnellement, je dévoilerai mes influences et leur lien avec mon recueil ainsi que mon rapport à l’écriture. Mais avant tout, je vais présenter mon recueil et ses personnages.

À suivre...

Intrigués ?

30.10.10

Mon blogue d'auteur

Ce blogue sert exclusivement aux nouvelles concernant L'Aqulion, mais j'ai créé un blogue d'auteur où j'écris les nouvelles concernant les salons, mes nouveaux romans, mes nouvelles, etc.

Venez faire un tour, vous êtes les bienvenus !

http://carlrocheleau.blogspot.com

9.10.10

Nouvelle inédite de L'Aquilon

Bonjour tout le monde !
J'en ai beaucoup parlé et il est temps de passer à l'action. Je vous présente donc, en exclusivité la 13e chambre de l'Aquilon, la nouvelle qui n'a pas fait le recueil. Même le premier des lecteurs des Six Brumes n'a pas lu ce texte parce que je l'avais retiré avant.
Ne craignez rien, il n'est pas mauvais, c'est tout simplement qu'il ne cadrait pas avec la thématique plus sérieuse du recueil. Le ton est beaucoup plus relâché et moqueur. Le personnage fait référence à un temps pré-verglas et confronte certaines incohérences avec les locataires dont je ne voulais pas débattre. En lisant, vous verrez à quel point il ne cadre pas avec le recueil. Cette nouvelle a été remplacé par « Retour à la réalité ». Ce personnage vivait à l'époque dans la chambre 4.
Pour ceux qui n'ont pas lu L'Aquilon, s'il vous plaît, ne considérez pas ce texte comme un aperçu de mon livre. Ce n'est pas pour rien que je l'ai remplacé... Mais la lecture devrait vous distraire.

On se revoit à Sherbrooke,

Carl

Chambre 4 – Oz

L’inspecteur chargé du meurtre de la chambre 2 a terminé l’interrogatoire du pensionnaire du studio numéro 3. Il se présente à l’appartement suivant dont la poignée est surmontée de trois serrures dorées. Un homme très gras aux yeux cernés entrouvre la porte sans enlever les trois chaînes de sécurité qui la restreignent.
- Avez-vous remarqué quoi que ce soit au courant de la nuit dernière ? interroge l’agent.
Le locataire secoue la tête. Rien entendu.
- Y a-t-il quelqu’un qui puisse prouver que vous étiez dans votre appartement entre dix heures et une heure cette nuit ?
Négatif.
- Je ne sors jamais, croit-il bon d’ajouter.
Le policier, piètre humoriste, est frappé d’un éclair de génie.
- Vous n’êtes jamais sorti ?
- Oui, trois fois, mais je ne recommencerai plus.
Le locataire frissonne, comme si le souvenir de son aventure lui revenait. Son double menton en frétille. L’inspecteur lui remet une carte en précisant qu’il peut le rejoindre n’importe quand si quelque chose lui revient.
La petite Summer, qui était dans l’ombre de l’agent depuis le début de la conversation, fixe le locataire. Le policier est parti, mais le gros homme est incapable de fermer la porte. Le regard de cette enfant qu’il n’avait jamais vue le fige.
- Raconte-moi, demande-t-elle.
Impossible de refuser. Il a l’impression d’être hypnotisé. Il s’assoit par terre, de son côté de la porte, et la petite fille fait comme lui de l’autre côté.
- Il faut que tu saches que ça s’est passé voilà longtemps. L’été avant que le grand froid frappe la cité.
* * *
C’était une belle journée. Je jouais à Rainbow Six et j’étais sur le point de commencer la cinquième mission. J’allais me prendre un coke diète lorsque je réalisai qu’il n’y en avait plus.
J’avais épuisé ma réserve hebdomadaire et le livreur ne passait pas avant le lendemain. Devant mon réfrigérateur vide, je me sentais comme un bébé sans les seins de sa mère. À ce moment-là, j’aurais fait n’importe quoi pour une canette. Même tiède ! Ça sonne bizarre parce qu’aujourd’hui le monde rêve de boissons tièdes, mais dans le temps, il n’y avait rien de meilleur qu’une liqueur froide. On disait rafraîchissante.
Comme les fumeurs qui sortent sans manteau à moins quarante pour un paquet de cigarettes, j’étais moi aussi prêt à aller au dépanneur pour m’acheter du coke diète. Sur moi, j’apportais mes clés et une carte de crédit. J’avais enfilé mes bermudas fleuris ainsi que mes pantoufles en phentex. Je voyais le corridor pour la troisième fois de ma vie. Le tapis aux motifs jaunes et bruns menait droit vers l’extérieur. Face à ma chambre, sur le mur, un enfant avait dessiné un arc-en-ciel au crayon de cire.
Déjà, l’air ambiant me picotait la gorge. Je m’imaginais les bactéries multicolores descendant de l’arc-en-ciel pour m’empoisonner. De toutes petites bestioles flottaient dans la lumière. Elles m’attendaient, voulaient que je les aspire. Elles dansaient autour de moi. J’essayais de les surveiller, de m’assurer qu’elles n’entrent pas dans ma bouche. Je les suivais des yeux, tournant sur moi-même à m’en étourdir.
L’arc-en-ciel entra dans la danse, m’enroulant à mesure que je respirais les spores colorées. Il était devenu un serpent rayé sur le long. Il m’enroulait pour mieux m’étouffer. Pour que je perde le souffle. Ce qui arriva. Je tombai inconscient.

Je fus réveillé par le murmure d’une foule. Le groupe en question était constitué de nains aux voix de schtroumpfs. Quand ils virent que je respirais, ils se mirent à chanter en faisant une ronde autour de moi.
La Sorcière de l’Est est morte, elle est morte, elle est morte.
La Sorcière de l’Est est morte et c’est grâce à toi !
Une fée apparut. Elle me regarda en souriant.
- Vous êtes un sorcier ?
- Certainement, mentis-je avec une assurance qui me surprit.
- Les Munchkins en étaient sûrs.
Bien content de leur avoir donné raison, je me demandais malgré tout pourquoi on pensait que j’étais un magicien. La fée m’épargna le travail :
- Vous avez tué la méchante Sorcière de l’Est, précisa-t-elle en pointant mon derrière.
Suivant le guide, je réalisai que, effectivement, j’avais le cul sur le visage d’une vieille femme. Les nains, comme s’ils avaient attendu le signal, entonnèrent leur chanson :
La Sorcière de l’Est est morte, elle est morte, elle est morte.
La Sorcière de l’Est est morte et c’est grâce à toi !
Pendant ce temps-là, je regardais autour de moi pour voir où j’étais. Il me semblait que l’Aquilon n’avait pas changé, sinon que l’arc-en-ciel sortait du mur à la manière d’une rampe pour handicapés et bloquait ma porte. Impossible de rentrer. C’était de cette rampe qu’arrivaient, par vagues, les troupes de nains chantants. Leur chanson fut d’ailleurs interrompue par l’apparition d’une autre vieille au chapeau pointu. « C’est la méchante Sorcière de l’Ouest ! » s’écrièrent les nains avant de se cacher sous l’arc-en-ciel. La grand-mère, peau verte et pustules grasses, s’adressa à moi.
- Tu as tué ma sœur, la…
- … méchante Sorcière de l’Est, complétai-je. Ça fait dix minutes que tout le monde le chante, j’ai compris le concept.
Je ne savais pas d’où me venait cette arrogance, mais je l’appréciais.
- Rends-moi les souliers ! ordonna-t-elle en fixant mes pieds.
Je remarquai alors que je ne portais plus mes belles pantoufles, mais bien une paire de souliers en cuirette rouge. J’allais les lui rendre quand la première fée m’interrompit. Selon elle, je devais les garder; ils devaient être spéciaux pour que la méchante sorcière les veuille tant. C’est vrai qu’elle s’intéressait plus aux souliers qu’au cadavre encastré dans mon cul. La méchante sorcière n’insista pas et s’évapora dans un nuage de fumée.
La scène était amusante, mais je commençais à étouffer avec tout ce monde et ma soif restait insatisfaite. Je me levai sans regarder le visage de ma victime et je quittai le groupe étrange qui m’avait accueilli dans ce drôle de monde. La bonne fée me rappela que je n’avais qu’à suivre le chemin de briques jaunes. Selon elle, il me conduirait vers le dépanneur où je trouverais Oz qui saurait peut-être me dire comment retourner chez moi en plus de me vendre un coke.
Déjà, j’arrivais devant la chambre numéro 3. Devant celle-ci, planté comme un blé d’inde, le voisin végétait. Il portait un vieux chapeau de paille, un jean des années quarante et une chemise à carreaux mangée par les mites. Il n’avait pas l’air dans son assiette. Alors, dans un élan de sympathie que je ne me connaissais pas, je lui demandai s’il allait bien.
- Oui, c’est juste que je suis con. Tellement con. Des fois, j’ai l’impression de pas avoir de cerveau.
L’idée me vint alors de me promener avec un légume que je pourrais ridiculiser sans qu’il réplique. Si Oz pouvait régler mon problème, peut-être qu’il saurait quoi faire d’un handicapé mental ? Je lui proposai donc de me suivre. Il supposa lui-même qu’Oz lui donnerait un cerveau et s’empressa d’accepter mon offre.
Nous nous mîmes à gambader sur le chemin de briques jaunes.
Bientôt, nous étions devant le studio numéro 2. Le locataire de l’appartement, dans une position très inconfortable – celle d’un prisonnier qui a échappé son savon –, semblait figé sur place. Sur sa froc de cuir coupée aux épaules, des milliers de clous métalliques reflétaient la lumière des néons. Grâce à une compassion qui me venait de nulle part, je voulus connaître son problème.
Il essayait de parler, de dire un mot, un petit mot que nous ne comprenions pas. X ? Ixe ? Mon nouvel ami tenta une réponse à son tour : « Fix ? » Le bruit que fit l’homme de fer confirma l’hypothèse. Par terre, tout près de lui, il y avait une seringue. Je m’empressai de lui injecter la drogue dans toutes ses articulations jusqu’à ce que, dans un grincement, il réussisse à bouger convenablement.
Il put enfin nous expliquer que son sevrage de drogue avait été trop long et que, lorsqu’il avait enfin eu l’occasion de se piquer, il était trop tard et que son corps s’était figé. L’homme de fer voulait nous remercier, mais il ne savait pas comment.
- Mes parents disent toujours que j’ai pas de cœur, c’est sûrement vrai.
Je comprenais très bien sa dépendance, car je pouvais la comparer à la mienne, et l’idée de marcher en compagnie d’un drogué sans cœur m’inspirait. Je lui proposai de venir avec nous rencontrer Oz. S’il pouvait m’aider à rentrer chez moi et donner un cerveau au voisin, peut-être qu’il pourrait lui trouver un cœur. Il accepta sans joie.
Nous reprîmes le chemin de briques jaunes en chantant du Judy Garland.
Bien vite, nous fûmes devant l’appartement numéro 1. Prenant tout le corridor, un grand roux, velu et barbu, tendait les poings vers nous, prêt à se battre. J’allais lui donner mon légume en guise de sacrifice quand il se lanca sur nous. Je compris rapidement qu’il voulait nous faire peur, mais qu’il ne frapperait pas. Je lui criai d’arrêter. Il se mit aussitôt à pleurer.
Une empathie féminine me saisit alors et je voulus connaître la raison de sa tristesse. Il nous expliqua que, malgré sa taille, il était un peureux. Il croyait que nous effrayer lui donnerait un peu de courage, mais rien n’y faisait. La solution était répétitive, mais je l’invitai à nous suivre. Puisque Oz m’aiderait à revenir chez moi, qu’il trouverait un cerveau et un cœur à nos voisins, peut-être qu’il aurait aussi un peu de courage pour lui.
À quatre, main dans la main, nous sautillâmes le long du chemin de briques jaunes.

Quelques minutes plus tard, nous arrivâmes au bout du chemin, devant le Emerald’s Drugstore. Derrière son comptoir de bouteilles de Heinekein, Oz me réservait un accueil à la hauteur du sorcier que j’étais. Nous lui fîmes chacun notre demande et il répondit qu’il exaucerait nos vœux à une condition :
- Vous devez tuer la méchante Sorcière de l’Ouest ! proclama-t-il.
Je tentai de lui faire comprendre que la vieille devait en avoir pour cinq ans maximum et que ça ne changerait rien qu’on l’achève aujourd’hui, mais Oz insistait :
- Come on, elle est juste sur le trottoir, devant la vitrine. Deux trois coups pis c’est fini.
En héros que nous étions, nous allâmes battre la sorcière qui, finalement, ressemblait plus à une quêteuse qu’à autre chose. Les nains, sortis de nulle part, firent une ronde autour de nous en chantant :
La Sorcière de l’Ouest est morte, elle est morte, elle est morte.
La Sorcière de l’Ouest est morte et c’est grâce à vous !
Oz, grand commis du Emerald’s Drugstore, répondit à nos demandes. Il commença par la mienne.
- Les souliers de cuirette que tu portes, ceux de la méchante Sorcière de l’Est, sont magiques. Depuis tout ce temps, tu n’avais qu’à cogner trois fois les talons l’un contre l’autre pour regagner ta maison.
Aussitôt dit, aussitôt fait.
J’ai frappé mes talons ensemble. Trois fois, comme prescrit.

J’étais étendu dans le corridor. Une flaque de bave collait ma joue au tapis jaune et brun. Les nains étaient partis, mes pantoufles en phentex revenues et l’arc-en-ciel, bien à plat sur le mur, avait retrouvé un aspect cireux qui me réconfortait.
Je rentrai dans mon appartement et je barrai la porte.
J’abandonnai coke et restai douze heures sans en boire.
Je ne sais pas comment Oz a réglé les problèmes de mes voisins.
Je ne suis plus jamais sorti de chez moi.
* * *
- La vie en dehors de chez moi est vraiment trop bizarre.
Sans attendre la réaction de la petite fille face à une telle conclusion, le locataire de la chambre 4 referme la porte et verrouille les trois serrures de sécurité.

28.5.10

Critiques récentes sur la toile

Salut tout le monde !

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Je ne suis pas digne de vous ! Je n'écris pas assez sur mon blog, je sais ! Et j'ai une tendance à mettre trop de points d'exclamation !

Pour en revenir aux choses sérieuses, voyons qu'est-ce qui se dit de mon livre sur la toile. Je le fais pour vous simplifier la vie. Si vous êtes des fans finis, vous avez déjà tout lu...

http://lermitederigaud.blogspot.com/search?q=aquilon

http://www.coteblogue.ca/articles/laquilon-de-lanticipation-originale-et-quebecoise/

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http://benoitbourdo.blogspot.com/2010/05/laquilon-carl-rocheleau.html


Dès que le respectable ermite met sa critique sur son blogue, je vous la transmets. D'ici là, vous devez vous contenter de trois liens.

Tout cela est fait à la va-vite, si vous avez vu autre chose, faites-moi signe !

Bonne journée,

Carl