3.1.11

Démarches d'écriture - Le projet du recueil (1/2)

Voici donc, bande de chanceux, la suite de mes démarches d'écriture concernant L'Aquilon. Aujourd'hui, résumé du recueil et objectifs d'écriture.

En résumé

Un jour, l’hiver est venu sans repartir. Un hiver perpétuel ponctué de crises de verglas. Dans une ville du Québec, on retrouve l’Aquilon, un bloc appartement composé uniquement de studios. Cet immeuble à logements nous intéresse plus qu’un autre parce que les portes de celui-ci, qui protégeaient le corridor principal du vent polaire, ont été défoncées. Maintenant, le froid entre dans l’immeuble et sous la porte de chacun des locataires. Avec le vent, le lecteur découvre ces personnages qui, au fond, avaient déjà froid avant que le vent n’entre chez eux.

Mes nouvelles étant assez courtes, les résumer reviendrait à en dévoiler le contenu. Je peux par contre présenter les habitants de l’Aquilon sans craindre de dévoiler leurs secrets. Dans l’immeuble vit un grand homme musclé et roux qui n’a pas confiance en lui à cause des déceptions passées qu’il met sur le compte de sa pigmentation. On y trouve aussi un toxicomane qui vit aux frais de ses parents, mais qui oublie rapidement ce détail grâce à la drogue ainsi qu’à son ordinateur. Il y a également un jeune adulte, mi-vingtaine, entretenu par le gouvernement, qui passe ses nuits à enseigner aux bonshommes de neige. On retrouve une psychologue bénévole, un professeur de philosophie qui a la conscience lourde et un fonctionnaire coupé de ses émotions qui sera confronté à celles-ci. Il y a bien sûr un concierge, préoccupé par la paperasse des assurances, qui doit régler le problème des portes défoncées ainsi que les complications qui en découlent. Y vit aussi une journaliste et anthropologue qui souhaite étudier en profondeur tous les aspects de la vie des Néo-Québécois, une locataire que personne n’a jamais vue, un cuisinier « spécial », un père et sa petite fille autiste ainsi qu’un médecin qui accepte facilement la fatalité.

Objectifs et concepts

Mes objectifs d’écritures étaient assez simples. Je voulais raconter la vie d’une société gelée. L’important, c’était de faire ressentir ce froid au lecteur. J’ai donc utilisé des phrases courtes (je souligne d’ailleurs que les discussions hivernales sont souvent tronquées parce que les émetteurs sont gelés) et des métaphores glaciaires dans tous mes textes.
Je désirais également exposer la synchronicité qui régit notre monde en balayant systématiquement un bloc appartement. Pour bien l’illustrer, j’ai imposé des leitmotivs précis dans la description des personnages : le café comme unique source de réconfort, l’élément kitsch (symbole d’une certaine solitude) et la petite Summer.

Le froid métaphorique qui envahit les personnages, leurs idées et leurs comportements est un des concepts qui sous-tendent mon recueil. J’ai voulu que le lecteur expérimente toutes les facettes du froid. Ainsi, la fermeture d’esprit, les opinions froides et tranchantes, la morosité et la solitude en sont des exemples négatifs. Mais le froid permanent apporte aussi son contraire : on ne voit les étoiles que la nuit. On trouve donc des personnages reconnaissant leurs émotions, qui aident leurs concitoyens et qui réussissent à voir la beauté du monde malgré sa laideur hivernale.

Le second concept qui se retrouve dans mon recueil est celui du subterfuge, de la fausseté en général. Je base cette idée sur l’image de l’hiver. Sur une carte de Noël, par exemple, l'hiver semble si beau que nous oublions presque les centaines de personnes qui meurent chaque année dans les accidents de la route causés par une chaussée glacée. Le matin de la première neige, pendant une petite minute, nous oublions que, pendant cinq mois, il faudra déneiger la voiture ou attendre, dans le vent glacial, l’autobus en retard, il faudra se moucher, prendre du sirop pour la toux et voir nos belles bottes noires tachées par le calcium. Dans mon recueil, ce ne sont pas ces détails que j’amène, mais d’autres, plus bizarres. Par exemple, l’omniprésence des bonshommes de neige, qui ne sont, en fait, que de pâles copies d’êtres humains. Les éléments synthétiques, qui reviennent sous différentes formes, mais principalement par la nourriture, représentent également l’aspect factice du monde dans lequel vivent les personnages. Le port du vêtement en tout temps modifie également les relations interpersonnelles : combien de fois avons-nous confondu quelqu’un dans la rue à cause de son manteau d’hiver ? Mais le subterfuge est surtout représenté, dans mon recueil, sous la forme du mensonge. Par des personnages qui mentent ou à qui l’on ment.

À suivre. Prochain billet : le recueil et sa structure.